- tolérer
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• 1393; lat. tolerare1 ♦ Laisser se produire ou subsister (une chose qu'on aurait le droit ou la possibilité d'empêcher). ⇒ autoriser, permettre. « Sachant tolérer, quand il le fallait, les petits vols des clients riches » (Zola). « Ils n'auraient pas toléré qu'on fermât ce cercle [de jeu] » (Morand). Stationnement toléré sur le trottoir.♢ Considérer avec indulgence (une chose qu'on n'approuve pas et qu'on pourrait blâmer). ⇒ excuser, pardonner (cf. Fermer les yeux). « Il voulait bien tolérer certains vices du régime, passer l'éponge sur certains scandales » (Martin du Gard). « S'il fallait tolérer aux autres tout ce qu'on se permet à soi-même » (Courteline).2 ♦ Supporter avec patience (ce qu'on trouve désagréable, injuste). ⇒ endurer, 1. supporter. Une douleur qu'on ne peut tolérer (⇒ intolérable) . Tolérer que (et subj.). Tolérer qqch. de qqn. Il tolère tout de son fils.3 ♦ (1689) Tolérer qqn, admettre sa présence à contrecœur. — Supporter (qqn) malgré ses défauts. Pronom. « ils semblaient s'accepter, se tolérer, comme des malades éprouvant une pitié secrète pour leurs souffrances communes » (Zola).4 ♦ (mil. XIXe) Supporter sans réaction fâcheuse (en parlant de l'organisme). Tolérer un médicament. Matériau bien toléré (prothèse). ⇒ biocompatible.⊗ CONTR. Défendre, interdire, réprimer.Synonymes :- souffrirContraires :- défendre- empêcher- réprimerConsidérer avec indulgence quelque chose, un comportement, ne pas le punir...Synonymes :- admettreContraires :- blâmer- désapprouver- réprouverSupporter quelqu'un, quelque chose, accepter leur présence.Synonymes :- endurer- subirtolérerv. tr.d1./d Accepter sans autoriser formellement (qqch qu'on est en droit d'interdire). Tolérer certaines infractions au règlement.d2./d Supporter par indulgence, en faisant un effort sur soi-même. Tolérer qqn. Il ne tolère pas la moindre remarque.d3./d (En parlant d'un organisme vivant.) Bien supporter (un médicament, par ex.).⇒TOLÉRER, verbe trans.A. — [Le suj. désigne un animé]1. Ne pas user, souvent avec condescendance, du pouvoir, de l'autorité que l'on détient pour interdire quelque chose, pour empêcher de faire quelque chose. Synon. accepter, autoriser, permettre, vouloir bien. [Cromwell] tolère, au mépris de la sainte écriture, Les rites du papisme et de la prélature (HUGO, Cromwell, 1827, p. 90):• Quand dans un empire vous auriez toléré vingt religions, vous n'auriez rien fait encore pour les sectateurs de la vingt et unième. Les gouvernements qui s'imaginent laisser aux gouvernés une latitude convenable, en leur permettant de choisir entre un nombre fixe de croyances religieuses, ressemblent à ce Français qui, arrivé dans une ville d'Allemagne dont les habitants voulaient apprendre l'italien, leur donnait le choix entre le basque ou le bas breton.CONSTANT, Princ. pol., 1815, p. 139.♦ Tolérer que + subj. Tolérer que l'on fume. Moi, bien entendu, je ne peux pas tolérer qu'un individu vienne faire la loi chez moi. Je le secoue un bon coup, mais sans l'abîmer (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 53).— Dans le domaine relig., spirituel, intellectuel, soc. Faire preuve de tolérance vis-à-vis de quelqu'un, de quelque chose. Tout en proclamant l'égalité des âmes, le christianisme a longtemps toléré l'esclavage comme une forme sociale dont il lui suffirait de corriger l'esprit. Ses diverses attitudes se sont reflétées dans l'opinion publique (Philos., Relig., 1957, p. 44-5).2. Faire preuve de mansuétude, d'indulgence. Tolérer un défaut. On a vu saint François de Sales causant avec plusieurs, parlant à tous de Dieu et de l'amour, mais aussi s'accommodant de mille choses accessoires, les tolérant et les acceptant presque, traversant au besoin la politique sans y souiller son hermine, mais pourtant la traversant (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 348). Les jeux de quilles dont M. l'évêque de Lescar tolérait à son jeune clergé la fréquentation (TOULET, J. fille verte, 1918, p. 58).3. Supporter avec patience, souffrir, endurer, admettre. On n'aime pas à trouver dans un livre les mots qu'on ne pourrait pas se permettre de dire, et qui détournent l'attention, non par leur beauté, mais par leur singularité. Mais on les tolère, on les aime même dans les vieux auteurs, parce qu'ils sont là un fait de l'histoire littéraire (JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 44). Nana tolérait tout, tremblante, caressante, avec la seule peur de ne plus le voir revenir, si elle lui adressait un reproche (ZOLA, Nana, 1880, p. 1295).♦ Tolérer qqn. Consentir à supporter la présence, à admettre l'existence de quelqu'un. Elle aimait les visites (...) Elle tolérait même les enfants, cette engeance insupportable! (CHARDONNE, Dest. sent., I, 1934, p. 73).— Empl. pronom. J'ai répondu:— Non, je ne suis pas très scrupuleuse (...). Je me tolère, comme je tolérerais vos défauts si vous en aviez, sœur Catherine (NOAILLES, Visage émerv., 1904, p. 11).B. — [Le suj. désigne un inanimé]1. Admettre, supporter. Le Général souffla d'aise et s'étira. Bref repos; l'heure ne tolérait pas le relâchement (ARNOUX, Roi, 1956, p. 315).♦ Tolérer de + inf. Aucun problème ne tolère de rester longtemps irrésolu (DRUON, Poisons couronne, 1956, p. 165).— Empl. pronom. À l'égard des autres, cela se tolère, vis-à-vis de soi-même, le seul crime inexpiable (ARNOUX, Rêv. policier amat., 1945, p. 315).2. [Le suj. désigne le corps humain, un organe] Supporter sans réactions fâcheuses. Pendant longtemps la cirrhose est dite bien compensée, c'est-à-dire qu'elle est relativement bien tolérée par l'organisme mais les lésions sont déjà là irréversibles (QUILLET Méd. 1965, p. 153). L'organisme finit par tolérer des doses qui, si elles avaient été données d'emblée, auraient pu être mortelles (Lar. méd. 1987).REM. Toléré, -ée, part. passé en empl. adj. Qui est accepté (notamment par un organisme), admis (moralement). Médicament, traitement bien toléré. Son rigorisme provincial s'étonnait des promiscuités tolérées de la vie parisienne (ZOLA, Page amour, 1878, p. 981). Les projectiles bien tolérés, dans le cerveau, c'est théorique (BOURGET, Sens mort, 1915, p. 296).Prononc. et Orth.:[
], (il) tolère [-
]. Ac. 1694, 1718: tolerer; dep. 1740: tolé-. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1393 « supporter avec plus ou moins de patience quelque chose de désagréable » (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 104, ligne 21); b) 1695 tolérer qqn « le supporter malgré ses défauts; admettre sa présence mais à contre cœur » (BOSSUET, Méditations sur l'Evangile, éd. M. Dreano, p. 231: il ne vouloit plus tolérer ceux qui n'ajouteroient pas une foy entiere à l'Evangile); 2. a) 1469 « tolérer certains abus, supporter chez autrui ce qu'on n'approuve plus » (13 mai, Lett. de Louis XI, III, 345, Soc. Hist. de Fr. ds GDF. Compl.); 1691 tolérant part. prés. adj. « qui pratique la tolérance, ici en matière religieuse » (BOSSUET, Avert. aux Prot., VI3,IX, 641 ds BRUNOT t. 4, p. 508); b) 1689 « faire preuve d'une certaine indulgence à l'égard de ce qu'on n'approuve pas » ici pronom. (ID., op. cit., II ds LITTRÉ); 1782 tolérant part. prés. adj. « qui fait preuve de tolérance, compréhensif » le monde tolérant (GENLIS, Adèle, III, 298 ds BRUNOT t. 6, p. 1115); 3. a) 1520 « être capable de supporter une épreuve physique » (Le Guidon en françoys... de Maistre Jehan Falcon, F 122 ds SIGURS, p. 590: Et si le malade ne veult tollerer la dicte scarification); b) 1857 (d'un organisme) « supporter sans inconvénient, sans réaction morbide » [le] seul arbre qui tolère l'eau salée (MICHELET, Insecte, p. 36). Empr. au lat. class. tolerare « supporter, endurer ». Fréq. abs. littér.:942. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 767, b) 1 078; XXe s.: a) 2 034, b) 1 547. Bbg. HUSEMAN (W. H.). A lexicological study of the expression of toleration... Cah. Lexicol. 1986, n° 48, pp. 90-105.
tolérer [tɔleʀe] v. tr. [CONJUG. céder.]ÉTYM. 1393; du lat. tolerare.❖1 a Laisser se produire ou subsister (une chose qu'on aurait le droit ou la possibilité d'empêcher). ⇒ Autoriser, permettre, souffrir. || Le premier abus toléré en amène un autre (cit. 41). — Spécialt. || Tolérer un culte, une religion. ⇒ Tolérance (3.).b Considérer avec une certaine indulgence (une chose qu'on n'approuve pas et qu'on pourrait blâmer ou condamner formellement). ⇒ Excuser (supra cit. 12), pardonner, passer (laisser passer). || Tolérer un défaut à qqn. ⇒ Passer (le lui passer).c (V. 1560, Paré). Supporter avec patience ce qu'on trouve désagréable, injuste, etc. ⇒ Endurer (supra cit. 9), souffrir, 1. supporter (II., 2.). || Qu'on ne peut tolérer. ⇒ Intolérable. || Tolérer une situation avec résignation (→ Ignorer, cit. 49). — Tolérer que… suivi du subj. ⇒ Permettre. — Tolérer qqch. de qqn. || Il tolère de sa sœur ce qu'il n'accepterait de personne d'autre. — Vx. || Tolérer qqch. à qqn.1 S'il fallait tolérer aux autres tout ce qu'on se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable.2 (…) Mme Charles se montrait d'une activité extraordinaire, l'œil ouvert partout, ne laissant rien se perdre, tout en sachant tolérer, quand il le fallait, les petits vols des clients riches.Zola, la Terre, I, III.3 D'ailleurs la promesse était vaine, car ceux qui avaient amené le Gouvernement au nouveau pouvoir prélevaient leur part sur les jeux et n'auraient pas toléré qu'on fermât ce cercle.Paul Morand, l'Europe galante, p. 93.2 (1689). || Tolérer qqn : admettre sa présence, mais à contrecœur. || Un intrus (cit. 3) toléré. — Supporter (qqn) malgré ses défauts. — Pron. || Se tolérer mutuellement (→ Inconséquent, cit. 2).4 Ils ne prononçaient pas un mot d'amour, ils feignaient d'avoir oublié le passé; ils semblaient s'accepter, se tolérer, comme des malades éprouvant une pitié secrète pour leurs souffrances communes.Zola, Thérèse Raquin, XXII.5 Ah ! si seulement je pouvais croire que ma présence ici lui est agréable (…) Mais même cette joie m'est enlevée; et tout le jour je puis penser que, simplement, elle me tolère.Gide, Et nunc manet in te, Journal intime, 3 janv. 1921.3 (Mil. XIXe). En parlant de l'organisme. Supporter sans réaction fâcheuse. ⇒ Tolérance (4.). || Tolérer un médicament, une douleur. — Au participe passé : || Une piqûre bien tolérée (→ Anaphylaxie, cit. 1).6 Chaque individu tolère seulement un certain nombre de bactéries et une certaine virulence de ces bactéries. Au delà de ce nombre et de cette virulence (…) la maladie se déclare.Alexis Carrel, l'Homme, cet inconnu, VI, XI.❖DÉR. (Du même rad.) Tolérable, tolérance, tolérant.COMP. Intolérable.
Encyclopédie Universelle. 2012.